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Véronèse ou la joie de vivre

Véronèse ou la joie de vivre
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Paolo Caliari, né à Verone, fils d’un tailleur de pierre, entre à 14 ans à l’atelier Caroto, peintre aux perspectives appréciées, puis chez un peintre assez peu connu, Antonio Badile, dont il épouse la fille. Il eut quatre fils qui travaillèrent à l’atelier de leur père.

Il s’imprégna vite de l’influence des maniéristes Le Primatice et Le Parmiggiano, qui lui enseignèrent un langage pictural libre et radieux.

Il fut moins lié aux formes de l’Antiquité que Palladio, avec qui il collabora, pour la décoration des villas palladiennes, en se souciant peu de décrire la réalité mais en servant un monde chromatique à la lumière solaire, aux ombres vibrantes.

Il resta à Vérone jusqu’à l’âge de 25 ans, dans cette ville aux multiples courants artistiques, où le courant romain,principalement régnait.

Il réalisa une copie de la Madona à la Perle, de Raphaël, et y peignit, à 20 ans, un tableau d’autel où l’on retrouvait déjà l’influence de Titien.

Il est à Venise en 1550 pour la première fois. A 25 ans il réalise le retable de la famille Giustiniani à San Francesco della Vigna, dans des teintes éblouissantes, pures et lumineuses.

veronese_canaIl n’entre pas dans la catégorie des dramatiques, comme Tintoret. Ses personnages ont une sérénité céleste, une énergie solaire. Le noir est aboli, les ombres sont colorées d’une manière plus forte que le réel.

En même temps il découvre l’oeuvre de Palladio, dont les architectures, portiques, coupoles, colonnes, se verront dans les fonds de ses tableaux et de ses fresques.

Ses portraits vibrent d’une symphonie harmonieuse de bleus, de roses, d’orangés toujours somptueux.

Au Palais des Doges, on reconnait ses couleurs resplendissantes, moirées de lumières, d’argent et d’or.

Il peint le retable de la famille Bevilacqua.

En 1551 une commande lui est faite pour les fresques de la villa Soranza.

C’est une période où Michel-Ange l’influence notamment pour l’allégorie de la Jeunesse et de la Vieillesse au Palais Ducal, en 1553.

Les commandes officielles sont nombreuses car il est devenu le peintre de la République. Il peint, pour le Palais Ducal, au plafond de la Salle du Conseil des Dix, un Jupiter foudroyant les crimes (1553), qui est maintenant au Louvre.

Il est conduit, dans ces circonstances, à négliger les offres de Philippe II d’Espagne.

Les Cènes (dernier repas du Christ), sont les sujets préférés de Véronèse car elles rassemblent superbement une foule multicolore, dans un plan scènographique qui rend l’image intensément plus riche.

Le peintre a dit, lui-même, que les Cènes étaient prétexte pour la couleur.

Dans les Noces de Cana, qu’il peindra en 1562, célèbre tableau qui appartient au Louvre, à Paris, il va jusqu’à placer, au premier plan de l’oeuvre, le Concertino (petit concert) où l’on reconnait ses contemporains, Titien,Tintoret, Bassano, avec lui-même.

Dans l’autre magnifique Cène qui est à l’Académie de Venise, intitulée le « Repas chez Levi« , Véronèse s’est peint parmi les bouffons dans le cortège du Christ.

L’Inquisition l’accusa, à ce sujet, d’impiété, pour avoir situé le dernier repas dans un lieu où des buveurs, des nains, des animaux évoluent dans une atmosphère des plus profanes.

Il y eut procès pour toutes ces libertés. Véronèse indiqua, pour sa défense, que la commande qui lui avait été faite prévoyait « beaucoup de figures, comme bon lui semblait ». Il ajouta que les peintres sont « comme les poètes et comme les fous ».

veronese_mars_venusIl évita la condamnation en changeant le titre de l’oeuvre que l’on nomma désormais Le Repas chez Levi.

Sa peinture, dans les salles du Palais des Doges, révéla toute son allégresse. En 1554-1555, il décore la salle de la Boussolla d’un Saint Marc couronnant les Vertus Théologales qui est au Louvre.

Il entreprend l’entière décoration de la petite église San Sebastiano (1556-1558). Le plafond reçoit le Couronnement d’Esther, un de ses chefs-d’oeuvre.

Son style pour le détail et l’expression des personnages, les fausses architectures ne sont pas sans rapport avec les découvertes qu’on vient de faire sur les fresques de l’ancienne capitale impériale de Rome, où il se rend en 1560. A maints égards s’annoncent les recherches du 18e siècle vénitien qui verra la gloire de Giambattista Tiepolo (1696-1770).

Sa peinture dans les villas palladiennes est comme un commentaire de la joie de vivre dans la Vénétie.

S’éloignant des gammes rouges de Titien et de Tintoret, il crée un registre chromatique personnel inégalable de tons plus froids, vert, jaune acide, or pâle, sous des fonds de ciel gris où se voient des architectures de l’artiste-architecte Andrea Palladio.

Les deux artistes collaborent en Vénétie, notamment à la villa des frères Barbaro, à Maser, 1560-1562. Les tons mats et clairs de la peinture à fresque (sur enduit frais) conviennent à l’inspiration de Veronese sur les murs de cette magnifique villa, d’un classicisme noble. Veronèse a réalisé ici le cycle le plus célèbre de son oeuvre. Il y travailla pendant huit ans.

veronese_allegorie_sagesse_forceDans des niches en trompe-l’oeil, des belles vénitiennes vêtues de robes de fêtes aux couleurs chatoyantes, semblent rire et se parler tant elles sont vraies. Des fenêtres où elle se penchent l’on peut voir des paysages exquis aux points de fuite délicieux. Ce sont les acteurs d’un grand théâtre, aux murs qui s’ouvrent par illusion. Dans les plafonds, les perspectives créent un univers olympien d’une clarté diaphane. Il y utilisa de remarquables jeux de perspectives.

En 1575-1577, il réalise, au Palais Ducal , le Triomphe de Venise pour la salle du Grand Conseil et les Allégories de la Vertu pour la salle du Collège, comptant parmi ses grands chefs-d’oeuvre avec leurs décorations fantastiques. Son très grand talent s’est affiné dans l’organisation d’étonnants raccourcis.

Vers la fin de sa vie, il portera plus d’intérêt aux petits formats où il s’exprimera d’une manière très lyrique. Il va vers le Romantisme.

Il meurt en 1588, heureux, riche, estimé des hauts dignitaires de la République.

On retient de son oeuvre l’éblouissante virtuosité avec laquelle il a résolu les problèmes de la lumière, qui en fait l’égal de Titien et de Tintoret.