Ne manquez pas !
Accueil / Culture / Casanova le magnifique

Casanova le magnifique

Casanova le magnifique
4.7 (93.64%) 22 vote[s]

Une intelligence des plus vives, un esprit nourri des plus ambitieux desseins, une volonté très persévérante, une complicité du temps et du hasard, une confiance en son destin, Casanova aventurier, courtisan, agent secret, diplomate, financier, publiciste, a laissé par ses célèbres mémoires, en Italie, en France, en Europe, le constant souvenir d’un tempérament exceptionnel. Il a incarné toutes les licences de la Venise du 18e siècle.

Giovanni_casanovaNé dans un milieu très modeste, fils d’une comédienne, Zaneta, qui l’élèvera seule, le jeune Giacomo Casanova rêve de gravir l’échelle sociale. Une seule solution pour un jeune homme cultivé mais pauvre : l’Eglise. Ses études à Padoue lui permirent de devenir abbé.

Il reste une année à Rome mais sa mauvaise conduite l’en chasse. Il voyage à Naples, à Corfou, à Constantinople. Il essaie l’armée, puis il est clerc chez un avocat.

Giacomo se fait employer comme violoniste au Théâtre San Samuele.

Un jour d’avril 1746, il joue pour une noce. Lorsqu’il part au petit matin, il ramasse une lettre qu’un patricien qui sortait également a laissé tomber.

Il la tend au propriétaire qui, pour le remercier, le ramène dans sa gondole. Pendant la traversée, le patricien est pris d’un malaise.

Casanova le soutient jusqu’a son palais, fait appeler un médecin est reste au chevet du malade jusqu’au lendemain.

L’homme pour qui il se dévoue ainsi est Matteo Bragadine, membre du Sénat, ancien Inquisiteur d’Etat.

Reconnaissant, il adopte le jeune homme comme son fils, lui fait verser une petite rente mensuelle et paye toutes ses dettes. Casanova vit désormais au palais, sans souci.

A une époque où le carnaval dure six mois, et où tout le monde se masque à longueur de journée, tout est permis à Venise, danses, théâtre, festins, farces, quiproquos, galanteries.

La protitution est présente partout : courtisanes, entremetteuses, maquerelles, les prostituées sont plus de vingt mille.

Le jeu est une autre folie : loteries, paris, dés, cartes. Le jeu favori est le »pharaon », assez semblable à notre baccara.

Venise a son casino public, le « ridotto », situé au palais Dandolo, qui attire les foules dans sa grande salle tapissée d’or. Dans une série de pièces plus petites où on peut se restaurer, boire du café, du thé et du chocolat.

On se côtoie le plus aisément du monde, princes, riches marchands, citadins modestes, joueurs professionnels, escrocs, prêteurs, usuriers.

Casanova, qui excelle au jeu, aime dépenser avec les femmes l’argent gagné.

Le jeu est son comportement naturel dans l’existence. Le carnaval, la prostitution, le jeu, dans une atmosphère de dilapidation, lui donnent toute son énergie.

Casanova Emprisonné aux Plombs
Venise semblant trop étroite au jeune aventurier, il se rend en France, à vingt cinq ans. Il se fait recevoir maçon-apprenti. C’est à Paris qu’il obtiendra toujours ses autres grades. Il gagne peu à peu une assez grande influence dans la franc-maçonnerie, et cette appartenance l’aidera beaucoup, de pays en pays.

C’est ainsi, qu’à la recherche d’une notoriété que sa naissance ne lui a pas donnée, il pourra fréquenter les princes européens, les titrés nobiliaires, authentiques ou non, et pourra se faire admettre au sein des castes privilégiées.

Il fréquente à Paris, lorsqu’il y vient, la troupe de comédiens italiens Baletti qui s’y produit durant une trentaine d’années.

On joue aussi bien la « commedia dell’ Arte » que Marivaux.

Casanova apprend le français dans les grands textes. Il apprend si vite, que son esprit, ses réparties feront bientôt le tour de la capitale.

De retour à Venise il tombe follement amoureux d’une jeune Catarina que son père fait enfermer rapidement au couvent de Sainte Marie des Anges, à Murano, pour éviter un dénouement qu’il ne souhaite pas.

L’amoureux éconduit y va à la messe tous les dimanches pour apercevoir la jeune fille.

Il ne fait pas que cela et a d’autres aventures, avec des femmes d’une grande liberté de mœurs, qu’on rencontre dans des appartements secrets qui servent à la galanterie, où l’on lit des ouvrages licencieux dans des alcôves dotées de sofas et de miroirs.

Cependant, dans cette deuxième moitié du 18e siècle, Venise est une ville policière qui vit au rythme des dénonciations secrètes et anonymes jetées dans des boîtes donnant sur la rue, appelées « bouches de lions ».

Des Inquisiteurs d’Etat, renseignés par leurs indicateurs, demandent une enquête à l’encontre de Casanova.

Des rapports sont établis. Comme Gicomo se moque de tout ce qui touche à la religion, on lui attribue des actes d’impiété, d’impudeur, de lascivité, de volupté, ce qui suffit à le faire arrêter.

Ses livres, ses écrits sont saisis.

Il est enfermé à la prison d’Etat (Prigioni) qui jouxte le Palais des Doges, dans un cachot situé sous les toits, « sous les plombs » dans les charpentes, à l’endroit où il fait le plus froid l’hiver et le plus torride l’été.

Au dessous se trouve toute la chancellerie.

Sa cellule est très petite, il ne peut se tenir debout que tête baissée. La petite fenêtre aux barreaux de fer croisés donne sur un espace où il peut faire quelques pas, une fois par jour.

Personne ne pourrait penser pouvoir s’en échapper. De mémoire d’homme, le fait n’a jamais eu lieu.

Une Evasion Spectaculaire
En allant dans le galetas voisin lors de sa promenade, Casanova ramasse la tige cassée d’un verrou, jetée sur des détritus. Il s’en empare, la façonne dans sa cellule pour la transformer en esponton pointu. Il entreprend de creuser le sol plusieurs heures par jour.

Après plusieurs semaines de travail, il finit par atteindre le plafond d’une salle de la magistrature. Mais il est soudain transféré, en août 1756, dans une autre cellule, donnant sur le canal.

Pendant le transfert de ses maigres affaires, il arrive à cacher la tige.

Sa nouvelle cellule donne sur un espace plus grand. Dans le cachot voisin se trouvent le comte Asquin et Marino Baldi, arrêtés aussi pour débauche.

evasion_02Etant lui-même très surveillé, Casanova fait passer l’esponton à Baldi, qui commence le travail du percement du plafond à proximité du mur le séparant du nouveau venu et creuse d’en haut un trou dans le cachot de son compagnon d’infortune.

Dans la nuit du 30 octobre 1756, tous deux quittent la geôle à l’aide de leurs draps tressés. Ils soulèvent l’une des plaques de plomb du toit, sortent, mais compte tenu de la hauteur des bâtiments, ne peuvent tenter aucune descente.

En scrutant le toit, Giacomo aperçoit une lucarne dont ils arrivent à briser le carreau. Baldi s’y glisse en s’aidant des draps tressés en corde. Ne pouvant lui-même sauter, Casanova fait un tour sur les toits et trouve miraculeusement une échelle.

Au prix de grands efforts, il parvient enfin à la faire passer par la petite lucarne. Mais il glisse sur les plombs humides, se rattrape de justesse au bord, les coudes retenus par la gouttière et regagne péniblement le toit, descend enfin par la soupente et totalement épuisé s’endort auprès de Baldi.

A la première heure du jour, les deux évadés fracturent une serrure avec l’esponton, descendent un escalier, débouchent devant la chancellerie.
Toujours grâce à la tige de fer, ils forcent l’un des panneaux de la porte, continuent à descendre, et deux étages plus bas arrivent dans les salles d’apparat du palais.

De la cour un gardien les aperçoit passant devant une fenêtre. Persuadé qu’il s’agit de deux visiteurs enfermés par erreur, il leur ouvre la porte.

Les deux fuyards se ruent dans la galerie, descendent l’escalier des géants, franchissent la dernière porte, courent sur le môle de la Piazzetta et se jettent dans une gondole.

C’est l’aube du 1er novembre 1756.

L’ «Histoire de ma Vie»
Casanova quitte Venise et n’y reviendra que dix huit ans plus tard. Il racontera cette providentielle évasion et deviendra ainsi « l’évadé du 18e siècle », fêté partout, en Suisse, en Allemagne pour son incroyable réputation.

En France, le Cardinal de Bernis, ancien ambassadeur à Venise le présente à Madame de Pompadour qui le confie au Premier Ministre, le Duc de Choiseul.

Il est ainsi introduit dans les milieux financiers, et parvient à se faire admettre comme co-inventeur d’un nouveau type de loterie dont il tirera de grands bénéfices.

Il deviendra fort riche. Le duc de Choiseul lui confie aussi des missions aptes à renflouer les caisses royales, ce qui augmente sa fortune.

casanovaIl est alors naturalisé français en 1790 et prend le nom de Chevalier de Seingalt. On le voit partout, à l’opéra, au concert, aux dîners, aux salles de jeux.

Au milieu de sa vie, atteint de la syphilis, maladie très répandue à cette époque, il amorce le début de son déclin.

Il navigue, il court les routes, rencontre des voyageurs, fait des conquêtes, s’arrête à Florence où il travaille à la bibliothèque ducale à la traduction de l’Illiade d’Homère.

Il pratique couramment le français, l’anglais, le latin. Il correspond avec Benjamin Franklin.

Il est reçu par les monarques éclairés, Frédéric II de Prusse, Stanislas Poniatowski, roi de Pologne.

Mais il ne jouera jamais un vrai rôle de conseiller de prince car il est de basse condition, passant pour un esprit subversif, craint tant du côté religieux que du côté politique.

En 1773, à quarante huit ans, Casanova repart en Italie, à Trieste.

duchcovIl cherche à rentrer en grâce. Mais il ne parvient plus à la gloire. La société de Venise le rejette. Il n’arrive pas à vivre de ses écrits.

Il devient confident des Inquisiteurs et rédige des rapports venimeux sur tout ce qui autrefois avait fait partie de sa propre façon de vivre.

Dans une affaire de reconnaissance de dettes où il n’était que l’intermédiaire du patricien Grimani, il n’est pas soutenu et croit pouvoirs venger par la publication d’un pamphlet contre l’une des plus illustres familles, ce qui suscite un scandale.

Il doit quitter Venise au plus vite pour n’y plus revenir.

Il passera les douze dernières années de sa vie au château de Dux en Bohême (l’actuelle Duchcov, en République Tchèque) au château du comte de Waldstein qui l’engagera comme bibliothécaire.

Il y écrira, en français, « Histoire de ma Vie », ouvrage qui le mettra au rang des grands écrivains et philosophes de notre pays.