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Le Carnaval de Venise (1)

Le Carnaval de Venise (1)
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Le carnaval vénitien trouve peut être son origine dans la fête de la Rome antique « les Saturnales » durant laquelle les patriciens et le peuple se plaisaient à échanger leurs personnalités respectives par une victoire sur les barrières sociales. Une égalité de quelques jours était établie.

Les premiers documents connus signalent l’existence d’un carnaval datant de 1268. On sait également qu’en 1436 existe déjà la profession de fabricant de masques de papier mâché et de toile cirée.

Le mot français de « carnaval » vient du mot italien « carnevale » .

L’explication la plus répandue concernant ce vocable est la suivante sans certitude absolue : «carne» en italien signifie la chair, la viande des animaux destinée à être consommée. Le mot «vale» signifie partir, enlever et même au revoir. Ce qui peut s’exprimer par « pas de viande », le carême commence.

 

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Le carnaval fait l’objet, au fil du temps, de successives organisations officielles et au 18e siècle sa durée atteint six mois, du 1er dimanche d’octobre à la Noël, du jour des Rois au Carême, durant quinze jours à l’Ascension, puis à la fête de Saint-Marc.

Dès le Moyen-Age, le peuple se livre à la mascarade. Il s’y adonne en dansant la célèbre « Furlana » tout au long du jour et de la nuit. Tout le monde est masqué, pour ses occupations, ses visites. Les prostituées se masquent.

Les étudiants facétieux et masqués jettent des oeufs sur les passants et s’en donnent à coeur joie.

On porte des masques diaboliques, en dehors des fêtes religieuses. Les déguisements sont interdits dans les églises, mais beaucoup enfreignent cette interdiction.

On se déguise en soldat, en satyre, en gondolier, en mendiant, en courtisane.

Le déguisement du « docteur de la peste » s’orne d’un masque au long bec blanc recourbé, évocation de ces médecins qui se protègent en remplissant ce bec de thym et autres essences désinfectantes.

Les jeudis gras (giovedi grassi) une corrida était organisée avec un taureau et douze cochons promis à une tuerie sacrificielle sur la piazza, prolongée par un feu d’artifice et d’amples libations.

Il s’agissait de fêter la victoire du Doge Michiel II (en 1162) sur le patriarche d’Aquilée.

Les cochons et le taureau occis par les soins de la corporation des bûcherons étaient dépecés et distribués aux pauvres.

Il y avait aussi les joutes nautiques où s’affrontaient les habitants des quartiers, qui se terminaient par de véritables batailles rangées.

Ce carnaval populaire excessif jusqu’à la violence persiste jusqu’aux années de la moitié du 16e siècle.


Au 16e Siècle
A partir de la seconde moitié du 16e siècle, l’usage d’un masque nouveau s’instaure, qui conduira à des travestissements d’une expression plus théâtrale, plus ordonnée, plus spécifique à cette éblouissante cité.

« Les forces d’Hercule » audacieuses pyramides humaines, les architectures en arc de triomphe, l’envol de l’ange qui sur une corde traverse la Piazzetta, du campanile à la fenêtre du Doge au Palazzo, démontrent une nouvelle manière de participer joyeusement.

Le môle, sur le bassin de Saint Marc, et les rues proches sont garnis de tréteaux, de lanternes, de bannières, de toiles peintes. Les charlatans aux pommades magiques, les diseurs de bonne aventure, les vendeurs de beignets, les jongleurs, les acrobates, les bateleurs sont là, dans un tintamarre de fête foraine.

Les récits indiquent dès le 17e siècle la magnifique diversité des costumes, car toute la ville se déguise. Il y a profusion de travestissements somptueux qui soulignent la différence entre la richesse des négociants et la condition du peuple.

Le masque, à la fois mensonge et vérité est devenu classique, indifféremment porté par les hommes et les femmes.

  • La moretta, petit masque rond de velours.
  • La Bauta, capuchon de soie noire couvrant la tête et le tour du visage
  • Le volto est le masque blanc au profil protubérant qui permet de respirer, de manger, de boire et de parler en déguisant sa voix.
  • Il accompagne toujours la bauta (prononcer baota) qui est un capuchon de soie noire couvrant la tête et le tour du visage. Elle s’accompagne d’une petite cape, ou rochet, de dentelle noire qui couvre les épaules et les bras.
  • La cape noire qui dissimule la silhouette est le tabarro.
  • Le port du tricorne termine joliment l’ensemble.
  • Les femmes peuvent également cacher leur visage par une moretta, petit masque rond de velours qu’elles appuient sur la face en tenant entre leurs dents serrées un petit bouton.
  • Elles portent également le domino, semblable à une vaste robe de chambre enveloppante, doté d’un capuchon.

La mascarade (maschiarata) fait partie de la vie quotidienne, pendant six mois. Quand on s’adresse à quelqu’un qui est masqué, on dit « sior maschera » (monsieur le masque).

Le masque favorise toutes les aventures et rend inutile tout jugement, toute critique. On s’interpelle, on plaisante, on se libère, on s’encanaille. Provoquer des rencontres en étant inconnu (incognito) donne le pouvoir d’effacer les écarts sociaux et de se livrer à tous les excès.

La liberté de toutes fréquentations favorise aussi bien les établissements de jeux que les espions de l’Inquisition qui fournissent leurs rapports.


Licences du 18e

Au 18e siècle, toutes les licences sont permises. La bauta est le truchement de tous les excès. On ne laisse rien deviner de ses origines, de sa condition, de son état. A l’époque où la République amorce son déclin, le carnaval atteint son mythe permanent. La variété des travestissements s’amplifie et va vers le sublime.

Les arlequins arborent des géométries de mille couleurs.

Les collerettes flatteuses apparaissent, les panaches flottent, les franges d’or vibrent, les tulles se soulèvent, les satins miroitent, les bijoux étincellent et cela pendant six mois de l’année.

La commedia dell’arte est une source d’inspiration, d’après ses personnages de Pantaleone, Polichinelle, Fracasse, Colombine, Zerlinette.

Leurs silhouettes insolites sont partout. On marche sur des échasses. Les nez postiches, les bonnets pointus, les kaftans turcs, tout ajoute à la folie.

Dans les théâtres, tout le monde est masqué.

Les jeux d’argent au Ridotto ne sont autorisés qu’aux périodes de carnaval. Le masque y est obligatoire.

Les petits casinos sont nombreux dans la ville. On n’y fait pas que jouer. On y dîne, on y organise des rencontres galantes. Ils finissent par être interdits, ce qui a pour sérieux inconvénient d’éloigner les étrangers.

Les patriciennes somptueusement costumées de tissus d’or, portant diadèmes et lourdes perles, viennent se montrer sur la Piazza qui offre un cadre prestigieux à leur promenade. Pour les voir passer les admirateurs acquittent la location de chaises.

Le peintre Giandomenico Tiepolo fixe sur ses toiles les folles farandoles (que l’on voit au musée Rezzonico).

Francesco Guardi peint les regards énigmatiques des visages dissimulés sous les tricornes.

Pietro Longhi souligne la grâce charmante des Vénitiennes dans leur cape de dentelle.

Mais les temps changent. En 1805 l’empereur Napoléon, roi d’Italie, met fin par décret aux traditions du carnaval. L’Europe est en guerre.

En 1849 sous la domination de l’Autriche le port du masque ne sera toléré dans la ville occupée que lors de fêtes privées.

Le carnaval vénitien se meurt. Il a vécu durant plus de 800 ans.

Suite : Le Carnaval de Venise (2)