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Manara, Caravage, une aventure en clair-obscur…

Manara, Caravage, une aventure en clair-obscur…
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Un des plus grands noms du « Fumetto »,  la bande dessinée italienne, au même titre que son ainé,  ami et alter ego Hugo Pratt (le père du marin aventurier  Corto Maltese),  Milo Manara est réputé bien au-delà des frontières de l’Italie pour ses ouvrages qui lui ont valu la réputation incontestée de maître de la sensualité.

Né en 1945 dans une petite ville de la province de Bolzano, près de la frontière autrichienne, il se fait connaître dès 1974 avec une adaptation du Décaméron de Boccace, puis avec des ouvrages tels que  « le Déclic », « Le Parfum de l’Invisible », qui feront de lui le chef de file incontesté de la bande dessinée érotique italienne.  Auteur, Manara est aussi illustrateur, associant son talent à celui des plus prestigieux partenaires:  le réalisateur italien Federico Fellini (Voyage à Tulum), le réalisateur chilien Alejandro Jodorowski (pour la série « Borgia » ).

Avec « La Palette et l’épée » , ce nouvel  opus, dont le premier volume très attendu (sur les deux que comportera la série) est sorti en ce printemps 2015, le dessinateur italien se plonge dans un sujet qui lui tient à cœur depuis de nombreuses  années : la vie trouble, turbulente et dissolue d’un des génies de la peinture italienne, Michelangelo Merisi  da Caravagio, plus connu sous le pseudonyme de Caravage, une petite cité de la province de Bergame, dont sa famille était originaire.

Une biographie quelque peu romancée, occasion rêvée pour une immersion dans l’âme de la Ville éternelle à la fin du 16e siècle. Une Rome sombre, pauvre,  populaire, en proie aux disettes et aux maladies, peuplée de vagabonds, de prostituées, de brigands et de spadassins, une Rome papale dans laquelle les richesses sont entre les mains des cardinaux et des grandes familles. Le jeune Michelangelo Merisi y arrive, à l’automne 1592, à la recherche d’un emploi dans un des nombreux ateliers de peinture que compte alors la ville.

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Cette Rome à peine sortie du Moyen-âge, Milo Manara en fait revivre, par la magie de son crayon, les lieux aujourd’hui disparus : des dessins d’une grande finesse inspirés d’œuvres existantes comme celles du graveur Giovanni Battista Piranesi, véritable historien de l’architecture romaine.

On  découvrira au fil des pages le puissant Ponte Salario, l’un des points clé pour pénétrer par le nord dans la Rome d’autrefois, une antique construction rehaussée d’une  tour défensive et gardée jour et nuit par des soldats en armes. Ou la prison pontificale, immense, sombre et labyrinthique de Tor di Nona dans laquelle le peintre séjournera à plusieurs reprises.

Dans la peau de son personnage, Manara nous entraine dans les bas quartiers de Rome, dans les tavernes et les lieux de débauche, et dans cette véritable cour des miracles qu’est alors le quartier de l’Ortaccio, entre la Piazza del Popolo et le Tibre.

Au même titre que les toiles du maître du clair-obscur, les pages du dessinateur italien baignent dans cette « obscure clarté », cette lumière de ténèbres. Des couleurs empruntées à la palette du Caravage, des portraits puissants et saisissants, une infinité de détails qui donnent l’impression de pénétrer dans la Rome du Cinquecento et, toujours, ces courbes féminines sensuelles et gracieuses  que seul Milo Manara sait si bien dessiner…

Passionné par Caravaggio depuis l’enfance, l’auteur se transpose à plaisir dans la peau de ce peintre caractériel, bagarreur, violent, rebelle à tout ordre établi. Un personnage prompt à mettre la main à l’épée. Une arme qu’il n’est même pas supposé porter, étant de basse extraction, et avec laquelle, emporté par son caractère fougueux et colérique, il ôtera la vie à deux reprises.

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Une réputation sulfureuse et des scandales à répétition qui ne l’empêcheront pourtant pas d’être le protégé de mécènes riches et cultivés, amateurs d’art, comme le puissant cardinal del Monte.

Génie acclamé de son vivant en dépit de débuts laborieux et difficiles, Merisi, « l’autre Michelangelo », grand admirateur de son aîné de presque un siècle Michelangelo Buonarotti dit « Michelangelo », est le peintre des ambiances sombres, des clairs-obscurs, des scènes d’un réalisme d’avant-garde souvent jugé provocant à son époque.

Parmi les plus connues, la « Vocation de Saint Matthieu » (Eglise Saint Louis des Français à Rome), la « Crucifixion de Saint Pierre » (Eglise Santa Maria del Popolo à Rome), mais aussi Méduse, le Jeune Bacchus Malade, le Joueur de Luth ou le Repas à Emmaüs, autant d’œuvres que l’on retrouvera au fil des pages de ce nouveau Manara, oeuvre magistrale, brillant hommage d’un maître italien à un maître italien.

Entre reconstitution historique et portrait d’une des personnalités les plus flamboyantes de l’art italien, Le Caravage de Milo Manara est une œuvre à posséder sans faute pour tout amoureux d’histoire, d’histoire de l’art ou tout simplement… du Bel Paese.

Le Caravage – Première partie : La Palette et l’Epée.
Glénat – 64 pages. Format 240 x 320. Cartonné.
Prix TTC : 14,95 €
Récit en deux volumes.

Photos Glénat