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Venise – Une Ville sur Pilotis

Venise – Une Ville sur Pilotis
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C’est une erreur, mais c’est poésie, de penser que Venise a été construite sur l’eau, tant elle semble vraiment sortir de l’eau.

En réalité ses maisons sont édifiées sur la ligne d’eau des rivières et des ruisseaux qui parcourent la lagune, ou sur les îlots que les alluvions ont dessinés, qui sont au nombre de cent-dix-sept dit-on.

 

Techniques de Construction
La stature des bâtiments plus ou moins importants, plus ou moins légers, décide du choix de la technique des fondations.

Les bâtisses qui ont peu de poids peuvent reposer directement sur le sol. Les constructions plus importantes, plus amples, plus élevées, sont soutenues, à terre, par une plantation de pieux (pali) qui renforce le terrain et le « gèle ».

Les pieux de bois de deux à quatre mètres de longueur sont enfoncés jusqu’à atteindre la couche plus solide dénommée carento.

Sur ces pieux alignés, presque se touchant, est posé à l’horizontale un plancher de bois, de plus ou moins grande épaisseur sur lequel commence le travail de maçonnerie.

Les éléments de ce ponton de bois peuvent être mêlés de briques.

En ce qui concerne les édifices construits au bord de l’eau, c’est surtout la résistance à la corrosion de l’eau de mer qui est prise en compte. La pierre d’Istrie très compacte a fait l’affaire pendant des siècles.

C’est une pierre blanche, d’un beau grain, très résistante qui vient des Balkans, longtemps sous domination vénitienne.

En regardant les façades des grands palais on voit, quelquefois, que des légères déformations des éléments architecturaux existent. Cela tient au fait que dans le développement ample d’une grande construction, différentes techniques de fondations ont été choisies, suivant la distribution des murs et la hauteur des bâtiments.

Le bois est très utilisé pour relier les murs. Les charpentes en chêne sont souvent coulées dans le mortier.

Au sol, les revêtements sont somptueux, de marbre poli, dans les palais. Les poutres, les solives permettent une absorption des mouvements dans une lagune soumise à des variations sismiques.

Les nombreuses fenêtres contribuent à l’allègement des façades qui sont souvent en marbre. Le reste de la construction, pour limiter le poids, est en briques.

Les édifices sont en ligne, côte à côte, ce qui les rend plus résistants en cas de secousses telluriques.


Une Forêt souterraine

L’ensemble de la ville repose ainsi sur des millions de pieux de bois, provenant des forêts des Alpes et des Balkans.

Il est possible de citer des chiffres qui sont impressionnants.

L’église Santa Maria della Salute se trouve édifiée sur 1.156.672 pieux de chêne et de mélèze, longs de quatre mètres. Le travail de fondations dura deux ans.

Le campanile de Saint-Marc nécessita cent-mille arbres.

Le pont du Rialto, d’une seule arche, a deux piles reposant sur un système de pieux de 3,50 mètres en sol dur et de 2 mètres sur sol plus souple. En tout 12.000 pieux en bois d’orme.

L’ensemble des bâtiments a fait disparaître des forêts entières, devenues une vaste forêt souterraine supportant une plate-forme de madriers dénommée « zatterone » .

Ces supports s’affaiblissent, on le sait, du fait de l’érosion par l’eau salée de la lagune, dont la teneur en sel est la plus chargée d’Europe.

Les pieux sont remplacés par d’autres lorsque cela devient nécessaire, mais il arrive que de très vieilles bâtisses s’effondrent malgré la surveillance des services techniques de la ville.


Fragilité des constructions

Les campaniles des églises, en particulier, d’une architecture élevée sur peu de surface au sol, sont victimes de leur fragilité.

On les dit condamnés, comme par exemple le campanile de San Pietro di Castello et celui de San Giorgio dei Greci (Saint Georges des Grecs) dans le même quartier, qui pencha dès sa construction et ne cessa d’inquiéter les Vénitiens jusqu’à ce qu’enfin, en 1816, fut entrepris un plan de consolidation qui lui permet encore de se mirer dans l’eau de son canal.

Le campanile de San Angelo s’écroula trois fois et ne fut plus reconstruit.

Le campanile de San Stefano, dans le quartier de San Marco, ébranlé lors du tremblement de terre de 1902, fut doublé par précaution d’un petit campanile auxiliaire qui est toujours debout.

Plusieurs clochers sont soutenus de manière plus ou moins dissimulée par des étançons, des supports, des tiges de fer.

A certains endroits de la lagune on peut aller les voir et les comparer au campanile de San Marco idéalement vertical, pour se rendre compte à quel point certains se penchent sur l’eau miroitante. Combien, au fil des siècles, ont été démolis d’urgence.

La terre de sables, les eaux souterraines, les fondations très anciennes, tout menace ces jolis campaniles qui ponctuent si gaiement l’orangé des tuiles des toits.

Les palais sont soutenus par des injections de ciment dans les fondations, rendant étanche toute la superficie de la base. Les résultats sont le produit de la prévoyance et de la volonté humaine. Venise ne se construit plus, il faut la conserver.

Il ne faut pas craindre cependant que la ville soit tragiquement menacée. Les bâtiments sont solidement ancrés. Il ne faut pas oublier qu’ils sont l’oeuvre de grands architectes, et les fondations dans le limon alluvial présentent l’avantage d’une certaine élasticité qui les empêche de se fissurer.

Il faut faire confiance aux hommes de l’art qui sont des restaurateurs têtus, acharnés, amoureux de leur incomparable ville.


Les « Bricole »
Les bricole (bricola au singulier) sont des robustes pieux de bois implantés dans la vase de la lagune, émergeant de deux ou trois mètres au-dessus de l’eau et servant de repères pour la navigation.

Ces précieux jalons de bois, liés fortement par deux, quatre, six ou plus, veillent à ce que les embarcations puissent suivre leur parcours sans erreur et sans danger de s’enliser.

On les appelle aussi « ducs d’Albe » surtout lorsqu’ils sont joliment peints et décorés, sur les canaux de la ville.

Lorsqu’on est natif de Venise, on apprend dès l’enfance à se repérer par les « bricole » qui dessinent des sortes de rues tracées dans l’eau. Entre deux rangées de pieux le marin est sûr qu’il navigue dans quarante centimètres d’eau au moins, ce qui est suffisant pour les engins de navigation devant éviter les zônes à sec, les barènes, sortes de bancs de sable affleurant à marée basse.

Les « bricole » portent des numéros très lisiblement peints, ce qui permet de se diriger même par temps de brume. Ils indiquent l’entrée de chaque chenal, par des couleurs distinctes, ainsi que le sens de chacune des nombreuses voies navigables des étendues paludéennes qui évoluent en véritables bras de mer.

Le bois employé pour leur implantation est le chêne rouvre, venant principalement de France, d’Allemagne et d’Autriche. C’est un bois très résistant qui peut rester dans l’eau cinq ou six ans d’affilée.

Il s’use par le courant des marées, par le sel qui le ronge et par le mouvement de la navigation.

Les bricole sont donc sous surveillance constante, qu’elles soient sur la lagune ou dans les canaux de la ville.

Le remplacement des pieux usés et fragilisés est un travail particulier qui est l’oeuvre d’une unique entreprise vénitienne qui entrepose les troncs et les fûts, pour être façonnés. Les cantonniers de la mer exercent ainsi un métier des plus indispensables.

Les pieux à changer sont arrachés par des tracteurs, enlevés par des grues, transportés sur des barges.

Les nouveaux bois, taillés en pointe sont enfoncés dans les sables à coup de masse mécanique et solidement liés selon un principe qui ne change pas. Ces travaux qui sont quotidiens ne sont généralement pas remarqués par les touristes.

La surveillance du flux et du reflux oblige la municipalité à interdire toute implantation de pieux sans autorisation officielle.