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Venise au 18e siècle

Venise au 18e siècle
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Au 18e siècle, Venise est toujours la ville prestigieuse qu’elle fut par le passé, mais son empire s’est ébranlé. Elle a perdu son importance politique.

Le monde moderne qui commence à naître autour d’elle ne se laissera pas dominer. Il semble que seul son rayonnement artistique lui permette encore de jeter sur le monde un éclat nouveau.

Le siècle de l’Art
Celui d’Antonio Vivaldi, musicien virtuose et compositeur brillant, celui de Pietro Longhi, auteur des ravissants tableaux de la vie vénitienne, celui de Tiepolo, peintre de la splendeur de la Sérénissime.

Les constructions sont terminées. Sa croissance est ramassée en raison de l’exiguïté des îlots sableux qui la soutiennent et de la difficulté de faire arriver les matériaux de construction.

La ville s’est transformée et embellie peu à peu, les bâtiments ont été plusieurs fois rebâtis ou rénovés avec les matériaux de récupération. La place manque.

Chaque époque a laissé en héritage la magnifique trace de son courant artistique.

On en est maintenant au Grand Siècle, celui des fêtes qui se succèdent d’une façon presque continue.

Le petit peuple est partout, ouvriers, artisans, boutiquiers, marchands ambulants, porteurs d’eau, allumeurs de réverbères à la cire, astrologues… Il n’y a aucune séparation de classe, pas de  »quartier chic « . Un grand palais peut cotoyer un logement modeste.

Le 18e siècle subit deux courants : celui de l’éxubérance mondaine, des fêtes et des jeux de hasard, et l’autre, rationaliste, sévère, ouvert aux idées philosophiques et artistiques.

La Sérénissime vit, au 18e siècle, les dernières lueurs de son histoire millénaire en tant que République libre. Le Doge fête encore les épousailles de la mer, avec un faste immuable, bien que les derniers domaines coloniaux soient à jamais perdus.

La défaite définitive de l’Empire d’Orient annonce le déclin inexorable de celle qu’on appelait la reine de la mer.

L’art reflète ce climat politique. A une époque où les conflits ensanglantent l’Europe, Venise consciente de sa faiblesse, s’éloigne des affaires internationales et créé une paix ouatée, en recherchant les distractions et l’oubli.

La décadence économique isole la République du contexte européen. Elle se lance dans une extraordinaire floraison artistique et culturelle, et une liberté de moeurs qui frise la licence. Le peintre Francesco Guardi, peint les jeunes nonnes au parloir du couvent, charmantes et décolletées, posant comme dans un salon.

Lorsque le Doge Regner meurt, on n’annonce pas son décès car on est en plein carnaval et il ne faut pas troubler les festivités.

Dans un climat de fête les vénitiennes jouissent d’une totale liberté en compagnie de leurs galants.

Venise devient la capitale du plaisir.

Elle connaît un rayonnement des arts, s’épanouit dans une culture originale en mettant à profit sa beauté, sa magnificence, ses richesses amassées.

L’inutile devient indispensable. C’est un art de vivre. Les inquisiteurs, c’est à dire la police, au nombre de trois, sont puissants. Ils ont des espions dans toutes les couches de la société. Ils n’ignorent rien des agissements de chacun mais n’interviennent que pour des questions politiques et religieuses.

La musique est l’art de toutes les fêtes.
Il y a assez peu de compositeurs au 18e siècle, mais ils sont de merveilleux interprêtes.

Il y a surtout le théâtre. De véritables génies apparaissent. Carlo Goldoni (1707-1793) est le Molière vénitien.

La peinture reste cependant le plus riche héritage de ce siècle.

La peinture
Gianbaptista Tiepolo (1696-1770) est le dernier grand maître, un génie du Grand Style. Tiepolo donne sa mesure dans les fresques; les grands murs, les plafonds immenses, sont nécessaires à ses vastes compositions. Le roi d’Espagne l’attira à sa cour.

Gianbaptista Tiepolo est le successeur du grand Véronèse avec le savoir-faire qu’avaient les illusionnistes du 17e siècle.

Son fils Giandomenico Tiepolo (1727-1804), différent, est tout à fait original dans l’éxécution des foules délirantes, des bousculades joyeuses, des pierrots et polichinelles.

Il n’a pas adhéré au Grand Style.

Le pittoresque obtient une large place.
Les tableaux de Pietro Longhi (1701-1785) racontent la douceur familiale et la vie quotidienne, au jour le jour.

Les étrangers raffolent des peintures de l’Ecole vénitienne. Ils accourent. Trente mille étrangers vivent alors à Venise.

Les Vedutisti (paysagistes) donnent de Venise des images fidèles. Deux maîtres, Antonio Canaletto (1697-1768) et Guardi (1712-1793), vont à l’encontre l’un de l’autre.

L’art de Canaletto est fait de netteté. Sa peinture est lisse, fluide, les perspectives sont minutieusement rendues et ses compositions sont fermes. Il est accablé de commandes de la Cour d’Angleterre et de l’aristocratie britannique.

Au contraire, Francesco Guardi est resté dans l’ombre de l’atelier familial, dirigé par son frère aîné.

Il a des touches nerveuses et libres. Il aime à rendre l’atmosphère d’un orage.

Il enveloppe Venise d’une lumière où les nuances des gris sont d’une poésie sans pareille.

Il a, dit le poète Henri de Regnier, « la science des ciels et des eaux ».

Ces deux peintres sont les artistes du rêve.

Le théâtre
Carlo Goldoni, auteur dramatique, homme des temps nouveaux, ramène le théâtre à la représentation de la réalité humaine et quotidienne, avec une vitalité intarissable.

Dans ses comédies une joie de vivre s’échappe, qui correspond tout à fait à la vie quotidienne des vénitiens.

Venise est la première ville au monde à ouvrir un théâtre public, marché de l’imaginaire où le succès des oeuvres exalte la création des auteurs.

Les autres théâtres appartiennent à des notables qui en tirent bénéfice.

Les spectacles font partie de la vie même de la Sérénissime et ne sont pas limités aux sept théâtres existants.

On joue partout; sur la place les acrobates montrent leurs prouesses et sur les tréteaux de la Comedia dell’ Arte, les comédiens improvisent devant les foules grouillantes et turbulentes de curieux.

La musique
Le 18e siècle est le siècle de la musique. Les virtuoses et les castrats extasient le public.

Antonio Vivaldi (1678-1741), maître de chapelle, violoniste au séminaire musical de l’Ospedale della Pieta où sont élevées de jeunes orphelines, leur enseigne le chant et le violon.

Les concerts où ces jeunes filles chantent derrière les grilles représentent une attraction irrésistible pour les enthousiastes mélomanes. Les représentations sont connues de l’Europe entière comme étant d’une virtuosité exceptionnelle.

En 1743, Jean-Jacques Rousseau disait qu’il ne pouvait penser à quelque chose de plus voluptueux et de plus touchant que cette musique. L’oeuvre de Vivaldi en marque l’apogée.

La rumeur prétendait que derrière les murs, la vie n’était pas très monacale.

En 1741, l’architecte Giorgio Massari reconstruit pour l’Ospedale de la Pieta un nouvel édifice, consacré en 1760, qui put offrir l’acoustique idéale d’une salle de concert.

Le plafond peint par Tiepolo « les cieux », est imprégné d’une lumière transparente.

La Société
Venise n’est plus ce qu’elle a été. Elle parvient au terme de son histoire, à son heure dernière qui va être un moment de grâce.

La Cité des Doges est appauvrie mais compte toujours de grandes fortunes.

Les patriciens ont encore huit ou dix gondoles devant l’entrée d’eau de la maison, quarante ou cinquante domestiques à leur livrée. Ils ont leur villa au bord du canal de la Venta où ils passent l’été.

Ces villas, au 18e siècle atteignent des allures de palais qui écrasent de leur faste les rives du fleuve.

Les plus grands peintres, Véronèse et Titien par exemple, les ont couvertes de fresques. Le grand architecte Palladio (1508-1580), à la Renaissance, a réactualisé l’architecture antique et a paré toute la Vénétie d’un nombre important de palais et de villas de campagne qui restent le témoignage de son génie et qui constituent l’une des merveilles du patrimoine de l’Italie.

Venise attire les étrangers, qui y séjournent longuement. Les boutiques sont pleines, les salles de jeu également, on s’entasse dans les théâtres.

Les concerts, les réceptions, sont prétextes à festivités.

Dans les cafés se nouent les intrigues, au Ridotto, il n’y a que des nuits blanches.

Deux cents cafés sont toujours ouverts, ainsi que les casini (petits casinos) où les cavaliers et les dames, se mêlent à toutes sortes d’inconnus.

Les églises sont les lieux de rendez-vous mondains.

Les parloirs des couvents sont des salons où l’on bavarde en buvant du chocolat.

On travaille quand les loisirs le permettent.

Tout ce qui est grave perd son importance. Les gazettes apportent leurs provisions de potins.

Les écrits de Casanova et de Da Ponte ressemblent à des facéties de comédies. Faire rire est un talent sublime.

Les fêtes sont continues.

Une élection d’un Doge, le passage d’un prince, l’arrivée d’un ambassadeur, les régates, les processions, tout est prétexte à réjouissance dans les palais et dans les rues, et bien entendu le carnaval qui dure six mois, pendant lesquels chacun va masqué, du Doge aux servantes.

On fait ses courses, on plaide, on se rend à la messe, on fait ses visites, on va jouer au Ridotto sous un masque. Ainsi plus de barrières sociales.

Ainsi toutes les libertés sont permises. La population pratique des métiers de fêtes : perruquier, couturier, usurier, musicien, croupier, fille galante, entremetteuse.

La ville est la plus gaie de l’Europe.

L’angoisse est insupportable à ce peuple qui en a trop supporté.