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Histoire de l’Arsenal de Venise

Histoire de l’Arsenal de Venise
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L’arsenal de Venise a été fondé en 1104, en raison de la nécessité pour la République, longtemps impliquée dans des conflits avec les puissances voisines, de posséder un entrepôt naval et un dépôt d’armes et de munitions.

Dès 840 l’Etat vénitien avait obtenu de l‘Empire gréco-romain de Byzance la reconnaisance de son unité politique et ducale. Venise n’avait cessé, par conflit ou par alliance de consolider sa puissance, soutenue en temps de paix comme en temps de guerre par sa flotte militaire permanente, la flotte du Golfe (la Squadra del Golfo).

Elle avait obtenu des deux Empires des privilèges maritimes et commerciaux considérables en Orient, et entretenait aussi une flotte commerciale que ses ambitieux marchands utilisaient notamment pour le commerce des épices, dont Venise avait le monopole.

S’était imposé, dès lors, l’avantage d’avoir un arsenal d’Etat, construisant ses propres navires, fabricant ses armes, entreposant ses munitions et abritant sa flotte.

A partir du 14e siècle, l’hégémonie de l’ennemi turc, qui avait affaibli l’Empire byzantin, obligea Venise à une production encore plus soutenue de son armement naval de guerre.

De plus, la mainmise de la République sur la construction des flottes marchandes avait nécessité l’extension de l’arsenal qui, entre 1303 et 1325, quadrupla sa superficie de fabrication et d’amarrage, dans la topographie de l’est de la ville.

Au siècle suivant, aux derniers temps du 15e siècle, les dimensions de l’arsenal furent à nouveau doublées (1473) en bassins, en cales sèches, en fonderies, en entrepôts, du fait des évolutions techniques et du fait, également, qu’il fallait tenir tête à la flotte turque avançant en mer Egée.

L’Empire Romano-Byzantin ayant définitivement sombré en 1453 par la prise de sa capitale Constantinople par les turcs, l’arsenal Novissimo de Venise se trouva seul à rivaliser avec l’arsenal ottoman qui pouvait aligner jusqu’à 400 navires.

Comment fonctionnait l’Arsenal
Seize mille ouvriers, répartis sur les chantiers et bassins de 25 hectares, assuraient l’activité des fonderies, des fabriques de fusils, de rames et de mats, des entrepôts de bois, de charbon, de poudre, l’entretien des hangars d’artillerie, des cales sèches, la surveillance des résines.

Le rendement était exceptionnel et les constructions extrêmement rapides; aucune activité industrielle en Europe ne pouvait lui être comparée.

Par un système de passage devant les ouvertures des ateliers, on pouvait charger successivement tous les équipements à embarquer : les cordages, les balistes, les mortiers, les rames, les réserves alimentaires ainsi que les hommes.

Une galère s’équipait en une seule journée. Pour défendra la colonie de Chypre, l’arsenal équipa et arma 150 navires de guerre en deux mois.

De toute façon, l’arsenal maintenait toujours sur pied de guerre une réserve de cent galères en état de fonctionnement immédiat.

Jusqu’au 17e siècle, en s’adaptant à toutes les techniques, Venise eut en charge cinquante mille marins.

La Flotte de Guerre
Les galères avançaient soit par la force des vents, grâce à leurs deux ou trois mats au gréement carré, soit par temps calme, grâce à l’énergie et à la force physique des rameurs qui devenaient rapidement des soldats combattants au moment des éperonnements, des abordages et des affrontements.

Leurs armes déposées dans les cales étaient à portée de main (arquebuses et arbalètes).

Les plus grandes galères trirèmes contenaient 200 rameurs. Il s’agissait de « forteresses mobiles« .

Une flotte spécialisée comprenait des « galères subtiles » (sottile) d’une dizaine d’unités, pour patrouiller constamment dans le golfe de l’Adriatique où se trouvaient les possessions de Venise en Dalmatie.

La flotte vénitienne assurait aussi la protection de l’empire colonial. Les territoires qui appartenaient à la République sérénissime étaient solidement défendus.

Galère Vénitienne Principalement en mer Egée, les galères et les vaisseaux faisaient la chasse aux pirates et aux corsaires qui opéraient en Méditerranée.

Les arsenaux des colonies de Corfou et de Candie, fournissaient des vaisseaux de renfort.

Au 16e siècle, les concepteurs proposèrent des prototypes de quatre et de cinq rangs de rames pour ne pas se laisser distancer, mais c’est surtout le problème des équipages qui conduisit la République à se replier progressivement des mers du Levant.

Les galères du Grand Turc proposaient de meilleurs salaires, les enrôlements des traditionnels équipages grecs restaient incomplets, l’interdiction de recruter des corsaires capturés était respectée, ce qui obligea Venise à employer, pour une grande part, des chiourmes de forçats, ce qui, au 17e siècle conduisit aux défaites navales au profit des turcs.

Et pourtant l’arsenal n’avait fait que progresser dans sa puissance stratégique, passant de cinquante galères à 95 tonneaux au 13e siècle à cinquante galères de 350 tonneaux au 15e siècle.

La Marine Marchande
Les marchands, conscients que le commerce est pour eux le tremplin de la richesse, sont actifs sur toutes les places de Grèce, de Crète, d’Arménie et même d’Afrique du Nord.

La navigation maritime, ils le savent, permet à moindres frais et à une vitesse relative, des échanges fructueux qui, dès le 13e siècle, assurent l’essor triomphal du commerce et enrichissent la ville.

L’Empire Mongol offre des marchés prospères. La soie brute, les épices, les produits exotiques y sont disponibles en abondance. Les négociants s’y rendent pour établir des monopoles.

C’est également l’époque où la 4ème croisade (1204) aboutit à la prise de Constantinople avec la participation de Venise qui deviendra ainsi une des plus grandes places de commerce de l’Occident.

Ce sera l’apogée à la fin du 13e siècle et le maintien de sa position éminente jusqu’au 16e siècle : trois siècles de richesses et de gloire.

Sa position intermédiaire est avantageuse entre le monde occidental, le monde byzantin, la mer Noire, la Syrie, l’Egypte, l’Extrême Orient et les Mongols.

L’occident fournit le bois de l’Apennin, le fer de Carinthie, le cuivre de Bohême, l’or de Silésie, la laine et les draps, les toiles de lin et de chanvre.

L’Orient envoie les épices, les parfums, les matières premières que l’Europe demande pour ses manufactures : soie, coton, colorants, ambre.

Les Slaves fournissent du miel, de la cire, des fourrures, Byzance (Constantinople) vend des soieries, tissées, de l’or filé, des vins, le monde islamique échange ses cotons, ses cuirs contre blé, draps, corail, articles de fer.

Venise elle-même exporte le sel de sa lagune, ses miroirs, ses verres, le sucre, le blé, la laine, les peaux de ses colonies. Elle vend aussi ses propres constructions navales.
La plus grosse entreprise de voyage est évidemment la constrution navale que les marchands assument. Mais l’Etat vénitien, vigilant, contrôle ces activités maritimes pour renforcer le rôle de son propre arsenal au détriment des chantiers privés.

Il organise des convois, dans toutes les directions, il crée des lignes de navigations pour Constantinople, la mer Egée, la Syrie, Alexandrie, et à l’Ouest sur Barcelone, les Baléares, Valence, Séville, Lisbonne, Bruges et Londres. Ces convois de protection dispensent les acheteurs de coûteuses assurances.

L’Etat prévoit aussi la protection de ces convois par ses galères qui deviendront célèbres du 12e au 16e siècle, représentant la Sérénissime sur les mers et dans de nombreux ports d’Occident et d’Orient.

Les galères de l’Etat participent également au commerce. Leur capacité étant réduite du fait de la place occupée par les rameurs, elles ne transportent que des denrées précieuses de grande valeur.

L’organisation en convois protégés avait pour heureuse conséquence la régulation des transports de marchandises en évitant les disproportions de tonnages entre les importations et les exportations et en maîtrisant l’engorgement du trafic.

La République fournissait aux marchands intéressés par ce type de convois surveillés, un calendrier des époques favorables à la navigation.

Pour inciter l’adhésion aux mude (convois), des prêts et des primes leur étaient alloués.

Les comptes rendus qui émanent du palais des Doges au début du 15e siècle, donnent du commerce maritime une image impressionnante. Il était question de 300 navires employant 17.000 marins.

La plupart des marchands résidaient pour leurs affaires à l’étranger, à Bruges, à Raguse, à Constantinople. Leurs avoirs étaient considérables car ils pouvaient faire de 10 à 30 % de bénéfices par voyage, dans les deux sens.
Dans son jeune âge, l’aspirant au commerce étudie la comptabilité, et accompagne un membre de sa famille pour son initiation. On lui confie un lot de marchandises dont il aura la responsabilité et qu’il vendra à son propre bénéfice. Il réside quelques temps à l’étranger et devient correspondant. Sa culture pragmatique est fondée sur l’art des chiffres.

Les marchands vénitiens avaient inventé les comptes courants. Les sommes étaient déposées chez des changeurs et les négociants retiraient sur un simple écrit. S’ils avaient le même changeur, ils pouvaient ainsi se régler par un jeu d’écritures.

Ils développèrent la tenue de la comptabilité par grands livres, ainsi que la technique de la lettre de change.

 

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