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Le Carnaval de Venise (2)

Le Carnaval de Venise (2)
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En 1978, à l’initiative de quelques étudiants férus de théâtre, de timides tentatives de mascarade ont lieu. Des commerçants séduits par l’idée relancent la fabrication des masques. Les robes à paniers, les tricornes, dans les vitrines suscitent le désir de redonner vie aux fêtes qui avaient offert à Venise sa célébrité festive.

Revenez, créatures évanescentes, montrez-vous marquis, parez-vous de vos capes, de vos brocarts, de vos plumes. Donnez nous le vertige du mystère, pour douze jours et douze nuits.

Aujourd’hui, après presque deux cents ans de silence le carnaval ne veut plus faillir à sa mission de fête.

Dès la gare Santa Lucia, à la lista di Spagna, au Rialto, dans les rues, aux Merceries, au Campo San Stefano, les étalages, les boutiques débordent de parures, de masques, d’éventails, de perruques et autres accessoires carnavalesques.

Le masque est roi. Même de carton, même de pacotille son contour effilé rappelle le délicieux passé et redonne le désir de la folie et de la séduction.

Sur la Piazza et dans les palais, la féerie, la somptuosité, la poésie, le romantisme renouvellent les fastes de la Sérénissime.

Certes, la conception de la fête est tout autre. On assiste maintenant à une parade, à une démonstration de la beauté des costumes dans une frénésie ininterrompue de paraître, de séduire, d’intriguer, de comparer. Les admirateurs, Italiens, Européens, Américains, Japonais, munis de leurs appareils-photos, de leurs caméras se plongent dans ce spectacle magique en amoureux éblouis.

La gamme des déguisements est infinie. On sait que plus de deux mille artistes, couturiers, artisans, des génies parmi eux, travaillent en permanence, dans une inspiration créatrice, à la réalisation de ces merveilleux ouvrages.

Les amateurs passionnés y ajoutent leur fantaisie, leur désir de confectionner leurs propres costumes, ce qui, bien souvent aboutit à faire fondre leurs économies de toute une année.

Les Français ne sont pas les derniers à se joindre à la fête.

Certes, il n’y a plus le spectacle des Forces d’Hercule, cette pyramide humaine que l’on constituait sur la Piazza, ni les montreurs d’ours, ni les vendeurs d’eau miraculeuse.

Mais on y voit, au premier jour, le lâcher des ballons qui colorent le ciel de la lagune en pointillisme, l’Envol de l’ange, qui traverse la piazzetta du haut du campanile, et la Procession des Maries.

Le spectacle commence par le défilé inaugural des plus beaux costumes.


Concerts Baroques

Il est vrai qu’il y a deux carnavals : celui des touristes du monde entier, gourmands de tout approcher, de ne rien rater, de photographier les tulles mousseux, les soies, les perles et les strass, et celui plus discret, plus intime, plus éclectique, plus esthétisant, dans les palais raffinés.

Les soupers fins, les bals, les concerts baroques organisés au Danieli, au Pisani-Moretta ou dans d’autres somptueuses demeures du Grand Canal, évoquent les fêtes, les banquets donnés au 18e siècle par le Doge aux personnalités illustres.

Pourquoi ne pas accepter cette dualité des divertissements. Pourquoi ne pas aller aussi, avec des milliers d’autres, s’écraser aux vitres du café Florian, dans un assaut têtu, pour apercevoir, dans leurs rutilants atours, leurs jupes bouffonantes, ceux et celles qui ont eu la faveur d’y entrer.

Pourquoi renoncer à la bousculade joyeuse sous les arcades des Procuraties afin d’obtenir la sublime photo d’une apparition vaporeuse.

Il faut aller goûter le plaisir de la connivence subtile lorsqu’un beau masque prend, par jeu, la pose séduisante devant le photographe amoureux, cherchant l’angle magique qui lui donnera le rêve.

Il faut aller faire provision d’images de coiffures audacieuses en échafaudage de fleurs, de fruits, de feuillages, de rubans, aigrettes, marabout, plumes d’autruche et plumes de paon. Il faut plonger dans l’histoire en suivant avec gourmandise un pharaon, un roi soleil, une Marie-Stuart, un Doge, un mousquetaire, un grand Turc, un Persan. Courir du Pierrot timide à la Colombine rieuse, de la princesse hautaine à la coquette audacieuse. Quel délice !

Vous pouvez aussi vous échapper de la foule pour aller sur un petit pont voir passer les gondoles chargées de marquises aux perruques poudrées, charmées par la romance de leur jeune gondolier.

Si vous ètes courageux, allez de bonne heure dans le matin frais sur un campo encore endormi, ou dans une ruelle à peine éveillée; vous rencontrerez à coup sûr un masque mystérieux regagnant d’un pas rapide sa demeure; ou bien vous irez sur le môle longeant le bassin de Saint Marc vous attendrir au mouvement des gondoles délaissées qui dansent au fil de l’eau comme les touches noires d’un immense clavecin.

Au soir du Mardi Gras, après le feu d’artifice, après un dernier regard aux coupoles de Saint Marc et aux Procuraties encore illuminées, dites au revoir, et non adieu, à ce miraculeux espace, en murmurant cette prière d’espoir :

Où irez-vous, princes, sultans, tsars, fées, reines, poupées, sirènes, quand vous abandonnerez vos traînes vos capes de soie, vos turbans perlés, vos robes à paniers ? Vous disparaîtrez dans la brume irisée, créant un ricochet du désir de revenir, pour mourir de plaisir une nouvelle fois.

 

Lire aussi : Le Carnaval de Venise (1)